À l’occasion de la journée mondiale contre la cyber censure ce 12 mars 2017, faisons le point sur les libertés numériques dans le monde…
En novembre 2016, on apprenait que 67% des internautes vivent sous la censure d’État. On entend par là : des gouvernements qui censurent les critiques à leurs encontre, à l’encontre de l’armée ou la famille dirigeante. Pour la sixième année consécutive, on constate que les libertés numériques déclinent, selon une vaste enquête de l’organisation Freedom House.
Sur 65 pays étudiés, 34 ont vu la liberté sur Internet se détériorer depuis juin 2015. La censure totale ou partielle d’Internet et des outils de communication en ligne est une pratique qui se répand. C’est en Ouganda, au Bangladesh, au Cambodge, en Équateur et en Libye que les conditions de navigation se sont le plus détériorées.
À l’inverse on note des améliorations au Sri Lanka, en Zambie et aux États-Unis (ce s derniers sont particulièrement connus pour leur surveillance du réseau depuis les révélations d’Edward Snowden).
Du côté des bons élèves, c’est l’Estonie, l’Islande et le Canada qui se distinguent en étant les moins restrictifs.
La Chine encore en tête du classement
Pour la deuxième année consécutive, la Chine est classée comme « le pire pays » en matière de libertés numériques, suivie par la Syrie et l’Iran. La Chine reste le pays le plus sévère pour les internautes usant de leur droit à la liberté d’expression en ligne. Nombre de blogueurs et journalistes sont aujourd’hui derrière les barreaux pour avoir voulu informer leurs concitoyens.
Freedom House met l’accent notamment sur une nouvelle législation chinoise qui prévoit de punir de 7 ans d’emprisonnement la diffusion de fausses rumeurs sur les réseaux sociaux, ce qui est régulièrement utilisé pour se débarrasser des activistes politiques qui dérangent le pouvoir.
Essayez de trouver des informations sur les évènements de la place Tien-an-Men depuis un moteur de recherche en Chine. Les résultats ont plus de chances de concerner des informations pratiques ou touristiques que des informations politiques sur les évènements mondialement connus.
Toujours en Chine, l’application Telegram, par exemple, a été interdite car elle rencontrait beaucoup de succès auprès des juristes spécialisés des droits de l’homme. L’outil de messagerie est également utilisé par des réseaux terroristes et suscite donc la polémique, mais des mesures ont été prises pour bloquer les comptes liés à l’État islamique. La directrice de Freedom House rappelle ainsi : « Bien que la blocage de ces outils peut affecter n’importe qui, il peut avoir un impact nocif sur les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, et les communautés marginalisées qui dépendent de ces applications pour outrepasser la surveillance des gouvernements. »
On notera également 24 pays qui limitent ou bloquent l’accès aux réseaux sociaux et autres outils de communication, contre 15 l’an dernier.
Les applications de messageries en ligne de mire
Les applications de messagerie, en plus des réseaux sociaux, sont de plus en plus restreintes par les gouvernements. WatsApp est la plus touchée, interdite dans 12 pays, notamment pour empêcher l’organisation de manifestations civiles. L’application Telegram quant à elle est interdite dans 4 pays.
« Les applications de messagerie peuvent répandre des informations rapidement et de manière sécurisée et certains gouvernements trouvent cela menaçant », précise Sanja Kelly, qui a dirigé l’étude avant d’ajouter : « Bien que le blocage de ces outils affecte tout le monde, il a un effet particulièrement négatif pour les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les communautés marginalisées qui dépendent souvent de ces applications pour contourner la surveillance gouvernementale. »
Du côté des réseaux sociaux, les utilisateurs font face à des sanctions sans précédent. Alors que de nombreux gouvernements ont voulu restreindre leur accès, les polices de 38 pays ont arrêté des internautes pour leurs activités sur les médias sociaux (journalistes, politiciens, activistes, citoyens ordinaires…).
Par exemple, un turc a été condamné d’un an de prison avec sursis pour avoir partagé ce meme représentant le président Erdogan face à Gollum du Seigneur des Anneaux.
En Egypte, un étudiant de 22 ans a été comdanmé à 3 ans de prison pour avoir publié un montage photo du président Abdel Fattah el-Sisi avec des oreilles de Mickey.
Et pour les blogueurs évidemment, le risque est également très présent : souvenez-vous de Raël Badawi, ce jeune blogueur saoudien militant pour la liberté d’expression dans son pays et condamné à 1000 coups de fouet pour « insulte à l’islam » en dépit de la pression internationale pour faire annuler cette sentence insensée.
Et la France dans tout ça ?
En ce qui concerne la France, le pays recule tous les ans et se place désormais à la dixième position ; une position due notamment à l’adoption du projet de loi sur le renseignement sur internet.
L’an dernier, les autorités ont ordonné la censure de plus de 2 700 sites internet associés à la pornographie juvénile ou au terrorisme. Il faut savoir que depuis la loi adoptée après les attentats de janvier 2015, les autorités peuvent notamment bloquer des sites sans l’autorisation d’un juge, mais aussi utiliser des mécanismes d’écoutes afin de suivre en temps réel les activités de toute personne identifiée comme étant une menace.
Les auteurs du rapport mettent d’ailleurs l’accent sur la prolongation répétée de l’état d’urgence et rappellent les déclarations des experts des Nations Unis sur les droits humains :
« Des restrictions excessives et disproportionnées sur des libertés fondamentales en France, comprenant un manque de clarté et de précisions sur des dispositions de l’état d’urgence et les lois de surveillance. » Et selon l’organisme, ces mesures auraient également été utilisées pour limiter la liberté d’expression de quelques activistes. « Alors que la France a traditionnellement maintenu un accès à Internet ouvert et accessible, quelques actions de la part des administrations successives ont augmenté concernant des groupes promouvant la liberté sur Internet et des activistes de la liberté d’expression. » Mais pour autant, la France reste parmi les pays dont l’accès à internet est libre.
Retrouvez le classement détaillé de tous les pays analysés.