Le streaming vidéo a révolutionné notre manière de consommer des films, des séries et même des événements sportifs. Cependant, alors qu’un ou deux abonnements suffisaient autrefois pour accéder à une vaste bibliothèque de contenus, l’offre s’est considérablement fragmentée.
Des acteurs comme Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, Apple TV+, HBO Max, Paramount+ et bien d’autres se disputent désormais l’attention des spectateurs. Pourquoi cette multiplication des plateformes et quelles en sont les conséquences pour les abonnés ? Décryptage.

Une explosion de l’offre : entre opportunités et saturation
Le succès fulgurant de Netflix a incité de nombreux acteurs à se lancer dans le streaming. Les grands studios, tels Disney ou Warner Bros, ont réalisé qu’ils pouvaient distribuer leurs contenus directement aux consommateurs, sans intermédiaires, captant ainsi l’intégralité des revenus d’abonnement.
Mieux encore, cette diversification de leur activité leur permettait de réduire les risques – car combien de films à gros budget ont totalement échoué à leur sortie sur grand écran ? Même les grands acteurs du cinéma, qui misaient jusque-là sur ces grosses productions y ont vu une opportunité dorée d’étaler les bénéfices et de sécuriser leurs activités.
Cette tendance a conduit à une prolifération de plateformes, certaines se spécialisant dans des niches spécifiques :
- Shudder : dédiée aux films d’horreur,
- Crunchyroll : centrée sur l’animation japonaise,
- CuriosityStream : orientée documentaires.
Bien que cette diversité offre aux consommateurs un choix plus vaste, elle entraîne également une dispersion des catalogues. Un film disponible sur une plateforme peut disparaître du jour au lendemain pour réapparaître sur une autre. Et être disponible gratuitement sur l’une (hors prix d’abonnement) puis en location sur l’autre. Et vice-versa.
Cette fragmentation complique l’accès à l’ensemble des contenus souhaités sans multiplier les abonnements. Et en parallèle, le marché des DVD et Blu-rays s’écroule, laissant peu de choix aux cinéphiles amateurs qui souhaitent continuer à profiter de leurs films et séries préférés.
La guerre des exclusivités : un casse-tête pour les abonnés
Pour se démarquer, chaque plateforme mise sur des contenus exclusifs :
- Netflix : propose des créations originales comme Stranger Things ou The Witcher,
- Disney+ : capitalise sur ses franchises Marvel et Star Wars,
- Amazon Prime Video : investit dans des projets phares tels que Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir,
- Apple TV+ : mise sur des contenus premium avec des stars d’Hollywood.
Évidemment, si chaque plateforme a ses spécialités, chacune propose également une multitude de programmes en tous genre, destinés à étoffer son catalogue et à attirer le public le plus large possible. Les plateformes se disputent ainsi de nombreux films et séries, avec des programmes qui passent de l’une à l’autre tous les quelques mois. Un cirque permanent, doux-amer pour les consommateurs, qui voient régulièrement des programmes qui les intéressent leur échapper.
Tout cela est devenu si compliqué que certaines plateformes Internet se sont développées exclusivement pour aider les internautes à trouver leurs programmes entre les différents sites de streaming et à les accompagner dans le choix de ceux à visionner en priorité. On peut citer, entre autres, le célèbre ReelGood Roulette.
Et tout cela sans compter les services de replay proposés par les chaînes, qui permettent de voir et revoir leurs programmes TV, mais aussi de plus en plus d’accéder à des programmes exclusifs (France Télévisions, Arte.tv, etc.).
Cette course aux exclusivités pousse les abonnés à faire des choix ou à cumuler les abonnements, ce qui peut rapidement alourdir le budget. Selon une étude de l’ARCOM (l’autorité en charge du télévisuel en France), les abonnés aux plateformes de streaming vidéo dépensent en moyenne un peu plus de 15 euros par mois, avec en moyenne 1,7 abonnement de SVOD ou de télévision payante.
Vers une saturation et une lassitude des consommateurs ?
Avec la multiplication des offres, les consommateurs expriment une certaine lassitude. De plus, le coût cumulé des abonnements commence à rivaliser avec les anciennes factures des bouquets TV traditionnels, poussant certains à se désabonner ou à alterner entre différentes plateformes selon les périodes. La fidélité aux plateformes de streaming ? Presque inexistante : pour beaucoup, les consommateurs jouent avec les périodes d’engagement, les partages de compte et les promotions pour protéger leur portefeuille.
Pour les entreprises, cette situation génère une grande incertitude tant les fluctuations du nombre d’abonnés peuvent être importantes. Celles-ci deviennent donc plus frileuses et abandonnent très vite les projets les moins populaires, sans faire grand cas des communautés de fans. Un système de décision qui cause de grandes frustrations et tout autant d’incompréhension chez les abonnés.
En réponse, de nouvelles tendances émergent :
- le retour en force du piratage : paradoxalement, la multiplication des services pousse certains à revenir au téléchargement illégal ou au streaming gratuit non officiel ;
- le partage de comptes : longtemps toléré par Netflix, cette pratique est désormais restreinte par la plateforme, ce qui risque de frustrer encore plus d’utilisateurs ;
- les offres AVOD (Advertising-based Video on Demand) : des plateformes comme Pluto TV, Rakuten TV ou encore Freevee proposent des contenus gratuits financés par la publicité, une alternative intéressante pour ceux qui veulent éviter les abonnements multiples, mais encore limitée.
Quel avenir pour le streaming ?
Plusieurs scénarii se dessinent déjà…
- Des regroupements et des fusions : certaines plateformes pourraient disparaître ou fusionner pour offrir une expérience plus unifiée.
- Une montée des offres financées par la publicité : Netflix a introduit une offre à bas coût incluant des publicités, attirant près de 45 % des nouveaux abonnés. Cette tendance pourrait s’étendre à d’autres plateformes.
- Un retour des « bundles » : aux États-Unis, des offres groupées comme le trio Disney+ / Hulu / ESPN+ commencent à se multiplier. En France, des opérateurs Internet incluent déjà des services de streaming multiples dans leurs offres.
- L’essor des plateformes alternatives : certaines, comme OCS, FilmoTV ou encore QueerScreen, tentent de se démarquer avec des catalogues plus ciblés et une approche différente.
Comme celui de la télévision, le marché du streaming est en pleine mutation. La multiplication des offres profite globalement aux studios, mais complexifie l’expérience utilisateur. À terme, une consolidation semble inévitable, car trop de choix risque de tuer le choix. Combien de fois a-t-on déjà entendu des phrases telles que : « J’ai Netflix, Prime Vidéo et Disney+ et je ne sais pas quoi regarder » ?
En attendant, les abonnés doivent jongler entre différentes plateformes ou se tourner vers des alternatives pour continuer à profiter de leurs contenus préférés sans exploser leur budget. En plein dans leur guerre commerciale, les grands services de streaming ne devraient-ils pas repenser leur stratégie de contenus et guider le consommateur, plutôt que de le perdre dans un océan de possibles ?