Dans la grande guerre des réseaux sociaux pour l’attention des utilisateurs et des annonceurs, X (ex-Twitter), enchaîne les défaites, lourdes de conséquences.
Alors que le nombre d’abonnés au réseau chute ces dernières années, on est en droit de se demander pourquoi les utilisateurs quittent en massent ce réseau, qui faisait pourtant tant rêver à ses débuts ?
Explications.
Twitter, les raisons d’un succès
L’enthousiasme des origines
X, alors Twitter, est arrivé dans nos vies en 2006. L’époque de MSN, de Skyblog, des blogs. Et aussi, la genèse des réseaux sociaux les plus influents (Facebook, Youtube…).
Internet est alors perçu comme une formidable aventure et les nouveaux réseaux, une façon cool de tenir une forme de journal intime – un journal que l’on peut partager avec ses amis, sa famille et le monde entier !
L’engouement s’explique alors facilement. Contrairement aux blogs anonymes où les internautes ne sont que des pseudos informes, les réseaux sociaux agissent comme un connecteur. Les utilisateurs se découvrent les uns les autres et constatent tout ce qu’ils ont en commun.
Ces expériences communes et l’excitation de la nouveauté et du partage sont déterminants dans la réussite des réseaux. Comme si le monde s’ouvrait un peu plus grand et que tout était possible. Enfin, les gens qui étaient isolés retrouvent une voix, et apprennent à s’en servir en en suivant d’autres.
Les réseaux sociaux ont bonne presse
De façon très concrète, ce partage jamais-vu a des impacts dans toute la société. Il est notamment à l’origine des mobilisations du « Printemps Arabe » : le partage et l’accès libre à l’information ont permis de nombreux soulèvements prodémocratie. Et de cette guerre des réseaux sociaux, Facebook et Twitter sont ressortis grands gagnants. Depuis, les internautes ont afflué : simples internautes, entreprises, célébrités, politiques et journalistes.
Pendant longtemps, ce sont d’ailleurs les grands médias qui ont fait le succès de Twitter. Imaginez : toute la presse au même endroit, en accès (presque) libre, pour s’informer et comparer en quelques minutes. Des témoignages percutants, avec les éditions officielles, mais aussi chaque compte de petit journaliste.
Tous ces faiseurs d’opinions et scribes de l’actualité ont enfin des visages. Pour les internautes qui cherchent à s’informer et pour les entreprises qui souhaitent faire parler d’elles, Twitter devient un incontournable. The place to be, comme disent les anglosaxons.
La guerre des réseaux et les nouveaux entrants
Twitter en souffrance face à la concurrence
Si Twitter est très populaire, il reste le plus petit des grands réseaux sociaux. Il a beau attirer beaucoup d’internautes, il rencontre des difficultés auprès des annonceurs. La sponsorisation arrive tardivement, ce qui freine son développement. Malgré la monétisation, Twitter ne sera d’ailleurs rentable pour la première fois qu’en… 2018 ! Soit, après 12 ans sans bénéfices.
Difficile d’investir et de se renouveler sans ressources. Or, les autres réseaux n’attendent pas. Les anciens, comme Facebook, multiplient les innovations et se réinventent régulièrement, pour retenir les utilisateurs de la plateforme.
Et dans le même temps, de sérieux concurrents font leur apparition :
- Tumblr a tous les avantages de Twitter tout en se rapprochant des blogs (certains en sont déjà nostalgiques),
- Snapchat introduit la vidéo et les messages éphémères,
- Instagram renverse tout sur son passage avec son esthétique raffinée,
- TikTok bat Snapchat à son propre concept en jouant sur la musique, l’influence et les modes…
Bref, compliqué pour un réseau comme Twitter, qui n’a pratiquement pas évolué depuis ses débuts, de tirer son épingle du jeu. Fragile économiquement, en perte de vitesse auprès des internautes, Twitter devient vulnérable.
L’ingrédient mystère « X » ou quand Twitter perd définitivement la guerre des réseaux
Un rachat polémique
Printemps 2022, le richissime entrepreneur Elon Musk annonce son intention de racheter Twitter, pour 44 milliards de dollars.
Ce rachat soudain – et hostile, disons-le bien – divise les internautes. Elon Musk est en effet une personnalité très controversée.
Pour une partie, notamment aux États-Unis, il incarne le rêve américain : le businessman génial et un peu fou, le mania de la Tech qui réussit tout et va changer le monde avec ses multiples projets (constellations de satellites, trains hyper-grande vitesse, puces neuronales, cryptomonnaies…).
De l’autre côté, les internautes sont tout aussi nombreux à craindre cette personnalité qui ne semble avoir aucune limite, avec un ego apparemment aussi démesuré que sa fortune.
Quelques mois à peine après son entrée en poste, Elon Musk donne raison à ses détracteurs. Les polémiques s’enchaînent : licenciement de 50% de la masse salariale de Twitter, multiples bugs et soucis de modération, ou encore le changement de nom de la plateforme…
Le milliardaire propose aux utilisateurs de voter « oui » ou « non » pour décider s’il doit démissionner de son poste de PDG et promet qu’il respectera la volonté du public. Rapidement, une majorité d’utilisateurs se prononce en faveur de sa démission (57,5 % des voix). Mais Musk reste en poste et déclare qu’il a démissionné seulement pour nommer son chien PDG. Pas avare de mots, il continue : « Je démissionnerai de mon poste de PDG dès que je trouverai quelqu’un assez stupide pour accepter le poste ». Finalement, il ne lâchera jamais les rênes de l’entreprise.
Les internautes perdent confiance et s’inquiètent pour leur plateforme, devenue « X ». Twitter est mort, officiellement. Partout sur le web, des montages de l’oiseau bleu de Twitter font surface pour exprimer l’incompréhension.
Politisation à outrance
X se radicalise
Sous la direction de son nouveau PDG, X change rapidement de visage. La modération des contenus – considérée comme de la censure par Elon Musk – est réduite au strict minimum. Aucun autre grand réseau ne se montre aussi souple ! Les messages nauséabonds affluent : misogynie, racisme, homophobie, théories du complot, incitations à la haine… Beaucoup d’utilisateurs, écœurés par ce virage, ne se retrouvent plus dans la ligne du réseau.
Mais Elon Musk persiste et signe en réhabilitant des comptes extrêmement polémiques et bannis de la plateforme, sous couvert de liberté d’expression.
Pire, lors des élections présidentielles américaines de 2024, il devient le premier partisan du candidat d’extrême-droite Donald Trump et dépense des dizaines de millions de dollars en soutien. Et, bien entendu, utilise X pour promouvoir les idées de son candidat.
En partie grâce à ce soutien, Donald Trump remporte les élections et confie un ministère à M. Musk. Ce nouveau pouvoir et l’immense conflit d’intérêts qui l’accompagne scelle la rupture entre X et les internautes. Des millions d’utilisateurs – les « X-pats » – abandonnent la plateforme au profit de nouveaux réseaux, considérés comme « plus sains », « moins toxiques ».
Le soir de la victoire de Trump, je me suis connecté juste pour voir et, là, j’ai vu tous les posts envoyés par E. Musk sans vouloir le suivre. Il avait saturé mon fil d’actualité ! Donc, adieu X et bonjour Threads.
Archibald, ancien utilisateur
Parmi les X-pats, on retrouve toutes les catégories de population : les monsieur-tout-le-monde, les influenceurs, les stars, les entreprises. Et même les grands médias, qui avaient fait le succès de la plateforme.
Cet exode massif profite à d’autres. Les concurrents émergents Bluesky et Threads, qui reprennent beaucoup des codes du Twitter originel, remportent cette bataille de la guerre des réseaux et voient leur nombre d’utilisateurs exploser en quelques mois à peine.
Bien entendu, toute cette analyse n’aborde que les éléments les plus visibles de l’iceberg. Impossible de deviner toutes les causes du déclin d’une plateforme qui a ressemblé des dizaines de millions d’utilisateurs à travers le monde, depuis près de 20 ans.
Néanmoins, ce découpage chronologique par étapes illustre bien les tendances des différentes ères de Twitter/ X et rassemble les principales raisons de son abandon par les masses. À votre avis, où sera le réseau dans 1 an ? Dans 5 ans ? Affaire à suivre.