Ce vendredi 12 juillet, les pharmacies en ligne ont ouvert leurs portes, conformément à l’arrêté ministériel du 20 juin relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par Internet.
Désormais, 35 pharmacies physiques françaises sont autorisées à vendre en ligne une liste de 4000 médicaments pouvant être délivrés sans prescription médicale. Ces pharmacies on-line sont le prolongement des services rendus en pharmacie. C’est pourquoi cette nouvelle pratique est strictement encadrée et protégée afin d’éviter les dérives.
Les pharmacies en ligne : des e-boutiques pas comme les autres
Vous l‘aurez compris, il est possible d’acheter en ligne uniquement les médicaments ne nécessitant pas d’ordonnance. Cette mesure doit permettre de lutter contre les transactions illicites et potentiellement dangereuses en termes de santé publique. Notons que seules les pharmacies d’officine sont autorisées à vendre sur Internet « Le site internet de la pharmacie est considéré comme le prolongement virtuel d’une officine de pharmacie autorisée et ouverte au public » précise l’arrêté. Mais la règlementation est très stricte à ce sujet et les sites des pharmacies doivent se conformer à un certain nombre de préceptes :
- L’internaute doit remplir un formulaire, dans lequel il indique notamment ses traitements en cours. Si ce formulaire n’est pas rempli, le pharmacien ne peut lui vendre de médicaments via son site.
- Le pharmacien est soumis à son devoir de conseil et un échange interactif, pertinent et personnalisé doit avoir lieu sur son site avant tout achat.
- Un internaute de moins de 16 ans ne doit pas pouvoir acheter de médicaments en ligne.
- Le site doit prévoir un dispositif permettant d’empêcher l’achat de quantités supérieures à un mois de traitement à la posologie usuelle ou au traitement d’un épisode aigu, et ce pour des raisons de santé publique et afin d’éviter les trafics.
- Les médicaments sont classés selon leurs indications, par ordre alphabétique. Il est formellement interdit de mettre en avant des médicaments au détriment des autres, donc toute promotion ou publicité est impossible.
- Pour chaque médicament, nom, indications thérapeutiques, mode d’administration, prix, précautions d’emplois et photos doivent apparaître. Ni plus, ni moins.
- Pour tout achat, une facture doit être établie en mentionnant les coordonnées du pharmacien ayant délivré le médicament.
- Les données personnelles collectées devront l’être uniquement par des « hébergeurs agréés par le ministre chargé de la santé » pour des raisons de confidentialité. Il est impensable qu’un internaute achetant des patchs anti-tabac se voit proposer ensuite des publicités pour des cigarettes sur les sites qu’il visite par la suite, par exemple.
- Les sites ont l’interdiction de recevoir un quelconque financement d’entreprises pharmaceutique afin bien sûr de préserver la neutralité.
- Contrairement à un achat en ligne classique, il est à noter que la nature des produits ne permet pas au patient de jouir du droit de rétractation sur ses achats.
L’encadrement de ces sites est si strict que la marge de manœuvre pour se distinguer les uns des autres est très limitée. En effet, les contraintes imposées telles que les onglets, les rubriques et les différentes interdictions ont entraînées la création de sites relativement identiques (excepté sur le plan graphique). Il est notamment interdit pour ces sites d’afficher des liens hypertextes vers des sites d’entreprises pharmaceutiques. Il est également interdit d’afficher des photos plus grandes pour certains produits ou d’utiliser des « fiches simplifiées » car cela pourrait les mettre en avant.
Et au niveau du référencement du site dans les moteurs de recherche, il est impossible de se distinguer des autres en achetant de la publicité sur Google, par exemple. En effet, l’arrêté ministériel interdit « la recherche de référencement contre rémunération » de manière générale.
Pour se distinguer, les sites peuvent donc miser notamment sur leur nom de domaine. Par exemple, jevaismieuxmerci.com est plutôt sympathique et facile à retenir. D’autres sont plus classiques mais non moins efficaces, comme medicamentenligne.fr ou medicament.com.
Retrouvez la liste complète des 35 pharmacies en ligne ici.
Quelques réserves
Le Parlement européen et le conseil de l’union européenne constatent « dans l’Union une augmentation alarmante du nombre de médicaments falsifiés du point de vue de leur identité, de leur historique ou de leur source. Les composants présents dans ces médicaments, y compris les substances actives, sont habituellement de qualité insuffisante, falsifiés, mal dosés ou encore absents, et représentent ainsi une grave menace pour la santé publique. »
50% des médicaments vendus sur Internet seraient faux selon le syndicat des laboratoires pharmaceutiques. Cette mesure a donc pour principal objectif de répondre à l’explosion des marchés parallèles et des contrefaçons.
Cependant quelques problèmes risquent de se poser : pour commencer, le pharmacien n’a aucun moyen de vérifier les dires de l’internaute (et notamment de savoir s’il est majeur) et n’a pas non plus accès à son dossier pharmaceutique pour lui éviter toute interaction néfaste avec un traitement qu’il prend déjà. Je viens de faire le test sur plusieurs sites de pharmacies agréées, mentir dans le formulaire pour passer les étapes du processus d’achat est effectivement à la portée de n’importe qui possédant une carte bleue pour payer à la fin ! Et si je ne souhaite pas appeler le pharmacien avant mon achat, rien ne m’incite à le contacter. Autre chose, certains sites suggèrent des produits qui pourraient m’intéresser avant que je ne valide ma commande. Je me demande si cette mise en avant de produits se fait de façon aléatoire, en fonction de mon panier, ou bien s’ils sont programmés pour s’afficher, ce qui nuirait à la neutralité de la présentation des médicaments…
Il faut savoir que certains sirops pour la toux, à forte dose, peuvent être utilisés pour se droguer et des médicaments en vente libre peuvent servir à un suicide. Si les pharmacies physiques n’ont aucun moyen d’empêcher ces dérives, elles existeront aussi en ligne.
Pour l’internaute, il existe un autre danger et pas des moindres : avec cette mesure, il est probable que des sites non agréés en profitent pour fleurir et se partager une part du gâteau, en vendant des médicaments contrefaits alors que l’internaute pourrait penser acheter de vrais produits. Et bien sûr, le risque qu’une pharmacie légitime se fasse pirater pour vendre de fausses pilules n’est pas exclu non plus !
C’est pourquoi il faudra être particulièrement vigilent et consulter la liste des sites autorisés sur le site de l’ordre des pharmaciens avant tout achat.
Un logo est actuellement en cours de création et sera affiché sur les sites des pharmacies, il fera office de label de confiance : « Ce logo sera clairement affiché sur toutes les pages du site web vendant des médicaments. Il renverra vers les sites internet de l’Ordre des pharmaciens et du ministère chargé de la santé afin que le patient puisse vérifier que le vendeur est dûment autorisé. ».
Enfin, en termes de prix, acheter en ligne ses médicaments est-il plus intéressant ? Sachez que les pharmaciens sont libres de fixer les prix qu’ils souhaitent, ces derniers n’intégrant pas les frais de port. Donc à vous de comparer avec les prix pratiqués par votre pharmacien en boutique et de voir si cela vaut vraiment le coup (ou « coût » plutôt).
À vous de tester les pharmacies en ligne ! Prenez garde à vérifier que le site de la pharmacie sur lequel vous êtes fait bien partie de cette liste et n’hésitez pas à poser toutes vos questions à votre pharmacien. Un médicament, même sans ordonnance, n’en est pas moins dangereux.