Kamini, Arctic Monkeys, Grégoire, Justin Bieber, Yelle, Lilly Allen, Rémi Gaillard, La Chanson du Dimanche… Ils sont nombreux à être devenus célèbres grâce à Internet et à avoir suscité des vocations. Bien que cela soit le phénomène le plus visible et médiatisé, être un artiste hors pair n’est pas indispensable pour devenir une star. Vous chantez à faire pleurer les pigeons, dansez comme une enclume avec des chaussures de marbre et êtes aussi drôle devant un public qu’un clown mort, pas de panique ! Pas besoin d’avoir ce genre de talent pour devenir l’idole du net.
Attention je ne parle pas de la star qui déchaine les passions, que les adolescentes adulent en pleure devant un poster. Je veux parler de l’influenceur qui utilise Internet pour exercer son pouvoir de prescripteur. Il n’est pas aimé pour son talent, il est aimé pour les idées qu’il véhicule.
Mais qui sont au juste ces influenceurs qui semblent si importants sur le Web ? Comment peut-on en devenir un ?
Les stars du Web sont des gens comme les autres
Internet est l’empire des hobbys et des spécialistes. On compte quelques milliers d’influenceurs en France, et ces passionnés qui produisent, alimentent, proposent et répondent aux lecteurs creusent un sillon profond et durable entre eux et les internautes lambdas. Si bien qu’il est parfois difficile de les voir comme de simples internautes et non comme des professionnels. Sur Internet, où tout est en libre-service, celui qui dégaine le premier la bonne info, la vidéo la plus amusante, l’image la plus belle, gagne la notoriété. Ils sont généralement suivis sur Twitter, sont lus pour leurs revues de presse, leurs informations exclusives, leur prose exceptionnelle… Il n’est pas rare que derrière eux, beaucoup de professionnels du Web français se bousculent pour tenter de faire aussi bien. Les mots d’un bloggeur lu par des milliers de personnes agiront comme une alerte et auront une puissance incroyable. Lorsque la cloche sonne au centre, l’écho se propage par cercles concentriques et la nouvelle court la Toile à grande vitesse.
Seuls les fans les connaissent car un blog ne peut séduire que son public naturel. Si vous n’êtes pas sa cible, le blog vous paraitra inutile, insignifiant, voire idiot car il n’est pas réalisé comme un média traditionnel, qui s’adresse à tous.
Les bloggeurs arrivent à exprimer les sentiments des foules. C’est là leur principale influence, ils savent traduire par écrit ce que les autres ressentent et les captiver avec ce qui les intéresse. Sur Internet, le lecteur cherche quelqu’un qui dit mieux que lui ce qu’il pense, et pour cela ils ont une recette simple mais imparable : des commentaires sur des produits ou autre, des conseils et de l’humour. Les stars les plus suivies sont pour beaucoup des précurseurs du Web. Ils étaient là à l’aube des blogs, et sur Twitter et Facebook avant tout le monde. Leur audience s’est accrue en même temps que le réseau sur lequel ils évoluent. Les plus assidues sont là depuis les commencements et sont restés des références et des leaders lorsque les foules ont voulu suivre leur mouvement.
Les influenceurs et le marketing
« Nul, le bar à ongles de Sephora ! ». Le message sur un forum féminin très fréquenté a suffit à faire trembler le groupe de cosmétiques. Le billet est assassin, comme on peut l’être après une mauvaise expérience. Internet permet maintenant d’exprimer sa colère et cela fait peur aux marques. Suite à ce billet, la direction de Sephora panique jusqu’à se demander si le nouveau concept ne va pas capoter et tente alors d’amadouer la critique, également bloggeuse, en lui proposant des produits. Mais la jeune femme est convaincue. Finalement, c’est lorsque la direction lui écrit personnellement une lettre d’excuse, en expliquant qu’elle tenterait de remédier au problème, que la consommatrice aux ongles acérés accepta de laisser le bénéfice du doute à la marque.
Tous les spécialistes du marketing connaissent de célèbres cas d’anonymes David contre d’imposants Goliath, et tout particulièrement celui des cadenas Kryptonite. Un jour un client réalise qu’il peut ouvrir le cadenas avec un stylo Bic. Il essaye de signaler le problème au service après-vente, mais face à l’ignorance de la marque il publie une vidéo sur YouTube montrant les failles du produit. En faisant le tour de la Toile, des milliers de spectateurs, à leur tour, se filment forçant le cadenas avec un stylo. L’ampleur de la nouvelle pousse les grands médias à la relayer et en à peine dix jours la société dut rembourser 10 millions de dollars de cadenas.
Aujourd’hui, les marques prennent en compte les bloggeurs dans leurs stratégies de communication. Dans la mode et les cosmétiques, les bloggeuses font la loi. Elles ont beaucoup de lectrices et trouvent de nombreux échos sur la Toile, leurs blogs sont incontournables. Les conseillers marketing repèrent les fans en ligne, ceux qui sont prêts à se mobiliser si leur marque favorite est attaquée. Par exemple, parmi les acheteurs d’Hermès, certaines bloggeuses économisent toute une année pour s’offrir un carré en soie, ce ne sont pas des clientes VIP mais elles sont de parfaites ambassadrices. Voilà pourquoi les marques bichonnent les bloggeuses. Visite de fabriques, rencontre avec les créateurs, présentation de nouveaux produits en avant-première… Toutes ces gratifications sont ensuite valorisées sur leurs blogs et elles sauront défendre la marque avec conviction si elles la voient malmenée.
Les grandes maisons redoutent le pouvoir du Web et tentent de dénicher ces nouvelles stars pour mieux les séduire. Car certains sont de vrais gourous qui s’adressent à des masses. Depuis quelques temps, les marques réservent des budgets dans leur communication aux bloggeurs (soirée, espaces publicitaires…). En chouchoutant cette génération portée sur le clavier, elles obtiennent très facilement de la publicité gratuite et de qualité. D’autres rémunèrent les « billets » que le bloggeur voudra bien leur faire pour vanter leurs produits, à la manière d’un publi-communiqué, et certains peuvent être payés plusieurs milliers d’euros pour les blogs les plus fréquentés.
Tout ce qui est écrit sur la Toile reste sur la Toile. Partant de ce simple concept, on comprend mieux que l’avis des bloggeurs ait autant importance. Même s’ils ne sont pas lus par des milliers de personnes, leurs sentences restent gravées sur Internet, à la portée de tous. Des bloggeurs peuvent maintenant vivre de leurs écrits grâce aux craintes des marques de voir associer leur nom à « arnaque, camelote, voleur ». L’an dernier, 29 des 100 entreprises les plus importantes au monde se sont retrouvées associées à des commentaires négatifs sur la première page des résultats de recherche de Google. Un constat dramatique pour elles.
Ces bloggeurs si célèbres
Il y a des bloggeurs stars dans tous les domaines possibles. Cuisine, informatique, design, mode, sport, musique… Chaque passion trouve son blog et son expert si influent.
Papilles et Pupilles
La cuisine remporte un franc succès auprès des bloggeurs. Anne travaillait dans la finance lorsque son premier enfant est né, avec de graves allergies alimentaires, de celles qui vous transforment une cuisine en champ de mines. Puis son deuxième enfant, allergique également, est né. Elle arrêta alors de travailler pour se plonger dans la composition de plats mais s’ennuya rapidement. C’est alors qu’elle crée Papilles et Pupilles, un blog où elle compose des recettes pratiques. Rapidement, son blog se classa parmi les plus influents et reste depuis sur le podium des trois blogs de cuisine les plus lus en France.
Maître Eolas
Sous le pseudonyme « Maître Eolas », se cache une pénaliste à la plume ironique. Lorsqu’elle analyse les coulisses du procès Kerviel, ses mots font loi. Célèbre pour ses analyses juridiques de l’actualité, près de 30 000 personnes suivent son blog. Lorsqu’elle était Garde des Sceaux, Rachida Dati a été la victime des ses billets à de nombreuses reprises. On pourrait penser qu’une telle personnalité pourrait se moquer de ce genre de railleries anonymes. Et pourtant, c’est à cette époque que les ministères ont embauché les uns après les autres des personnes chargées de surveiller ce qui se disait sur Internet.
Presse Citron
Le blog d’information sur les tendances et les bons plans du Web est une référence en la matière. Eric Dupin, son créateur, travaille dans le Web depuis plusieurs années en tant que consultant mais vit essentiellement de son blog. C’est sa passion pour le Web qui le poussa à débuter l’aventure Presse Citron au début du Web. Sa connaissance du milieu et son autodidaxie lui ont permis de devenir un précurseur en matière de blogging. Presse Citron existe depuis juillet 2005, ce qui lui permet de regrouper un nombre impressionnant d’articles et avec une fréquence de publication élevée, il se positionne particulièrement bien sur les moteurs de recherche. Presse Citron est loin du blog de niche grâce à sa ligne éditoriale particulièrement vaste, qui touche ainsi un maximum d’internautes. Le ton employé par l’auteur de ces articles instaure une dimension humaine, il donne régulièrement son avis et partage une part de son intimité avec ses lecteurs, et cela a permis de les fidéliser. Le design, l’ergonomie et la performance de son blog y contribuent également.
Style Rookie
Tavi, 13 ans, jeune américaine atypique, est une star. Carrie Bradshow peut ranger ses Manolo Blahnik, la relève est assurée. Le blog de fashionista de Tavi, Style Rookie débute en mars 2008 et crée un buzz énorme, attirant plusieurs millions de lecteurs. Son jeune âge et son sens de la mode particulièrement affuté ont intrigué les plus grands du milieu, les célébrités, les journalistes et les bloggeurs. Sur son blog, elle publie des photos d’elle dans différentes tenues et ses commentaires sur les défilés ou les tendances l’ont rendu célèbre dans le milieu de la mode. Cette année, elle assista au défilé été 2010 de Marc Jocobs, assise au premier rang à côté des journalistes, participa à la création d’une ligne de vêtements avec la maison Rodarte et s’est aussi associée il y a quelques semaines à Jane Pratt (fondatrice et éditrice des défunts magazines Sassy et Jane) pour créer un nouveau magazine original pour adolescentes dans l’esprit de Sassy. Le rêve américain version 2.0 est né. Le phénomène Tavi est considéré comme l’un des principaux leaders de la mode en ce moment et les comparaisons avec Anna Wintour (rédactrice en chef de l’édition américaine du magazine Vogue, qui a largement inspiré Le Diable s’habille en Prada) vont bon train. Pressentie comme la bloggeuse la plus avant-gardiste, celle dont le nom du blog signifie « débutante de la mode » a tout d’une grande. Elle fait déjà trembler la blogosphère et la planète mode. Récemment, le conte de fée du jeune prodige s’est réalisé, en quelques coups de pinceau elle est devenue créatrice de mode ! Lorsqu’une nuit d’insomnie Tavi dessine un visage inspiré du look des mannequins Yves Saint Laurent du défilé automne/hiver 2008, c’est la styliste de la marque Archive Society qui décide de le faire imprimer sur un tee-shirt et propose ensuite un modèle unisexe vendu sur Internet et livré dans le monde entier.
La révolution Internet a bien changé les choses ! Désormais, il faut compter avec les contes de fées 2.0, beaucoup moins glamours certes, mais bien plus accessibles, permettant à chacun de rêver à son quart d’heure de gloire de manière bien plus réaliste. Internet permet à ceux qui s’en donnent les moyens de devenir de véritables icônes, quelque soit leur domaine de prédilection. Mais c’est aussi le royaume de la vitesse, où la chute dans l’oubli est aussi rapide que l’ascension. Il faut profiter de ce quart d’heure avant qu’un autre ne vous détrône.