PARTIE 2 : Une vague de contestation mondiale
Les grands noms disent non
Soyons honnête, en ce qui concerne le sujet, si on ne cherche pas les informations, on ne les trouve pas. C’est pourquoi mi-janvier, alors que SOPA et PIPA étaient au cœur des débats, les grands acteurs du Web ont décidé de se mobiliser, afin de faire connaître le projet de loi et leur position face à celui-ci à tous les internautes, et que le législateur et les spécialistes du Web ne soient pas les seuls informés de la situation.
D’une manière générale, SOPA a reçu un accueil défavorable de la part des principaux acteurs d’Internet. Google, Facebook, Yahoo !, eBay, AOL, Twitter, LinkedIn, Zynga et Mozilla Foundation ont co-signé le 15 novembre 2011 une lettre ouverte contre le projet de loi.
Pour protester contre SOPA et PIPA et sensibiliser les utilisateurs aux enjeux de ces textes, un grand blackout a été organisé par les grands acteurs du Web ce mercredi 18 janvier 2012.
Quelques-uns des nombreux participants :
- Google a remplacé son Doodle du jour par un logo censuré
- La version anglaise de Wikipedia a été indisponible toute la journée.
- Mozilla a affiché une page d’accueil spéciale
- WordPress, le célèbre CMS, a conçu cet affichage
- Korben, le site français d’actu geek et high-tech a aussi participé
Le site sopastricke recense tous les sites s’opposant au projet. Ces mesures donnaient un avant-goût de l’Internet selon les lois anti-piratage. Cette vague de contestation ne réclame évidemment pas le droit au piratage mais simplement le droit à un Internet libre et non contrôlé par les entreprises ou les gouvernements. C’est davantage un « coup de gueule » contre toute forme menace de censure et d’atteinte à la neutralité du Web. Même si ces lois visent le sol américain, elles inquiètent le monde entier. Des associations comme Reporters Sans Frontières se sont associées au mouvement afin de sensibiliser le grand public des dangers de ce type de lois.
A noter également que mi-janvier, la Maison-Blanche elle-même s’est désolidarisée des projets de lois en déclarant dans un communiqué : «Nous considérons que le piratage sur Internet est un grave problème qui nécessite une réponse législative sérieuse, mais nous ne soutiendrons pas une législation qui réduit la liberté d’expression, augmente les risques pour la sécurité cybernétique et sape le dynamisme et le caractère innovant de l’Internet mondial ».
En revanche, parmi les plus fervents défenseurs de ces lois, on trouve évidemment les grandes maisons de disques et les studios hollywoodiens, mais aussi et entre autres, l’Entertainement Software Assocation, qui regroupe les principaux acteurs du jeu vidéo aux USA. Mais petit à petit certains des acteurs favorables à SOPA et PIPA font marche arrière, comme Nintendo et Sony.
Le cas Megaupload
Accusé de violer les lois anti-piratage, le site Megaupload.com (ainsi que ses 17 sites satellitaires) a été fermé par le FBI et le département de la Justice des Etats-Unis ce 19 janvier 2012. Voici le message qui apparait lorsqu’on essaye de s’y rendre depuis ce jour :
Megaupload permettait aux internautes de mettre en ligne n’importe quel type de fichier dans la limite de 1 Go pour les utilisateurs libres, et sans limite pour les utilisateurs ayant acheté un abonnement Premium. Le fichier était alors disponible à n’importe qui.
Le site qui enregistrait près de 4% du trafic Internet mondial aurait spolié les propriétaires de copyright de 500 millions de dollars de recettes potentielles, tout en s’accaparant 175 millions de dollars de ressources publicitaires.
Cinq chefs d’accusation à l’encontre de la société et de ses fondateurs ont été lancés. Kim Schmitz, alias Kim Dotcom, Julius Bencko, Sven Echternach, Finn Batato, Mathias Ortmann, Andrus Nomm et Bram Van der Kolk sont notamment accusés de racket, violation du droit d’auteur, blanchiment d’argent, mais aussi d’avoir utilisé et investi dans un réseau informatique de distribution de contenus protégés sans autorisation. Les inscriptions en ligne auraient générées 150 millions de dollars, redistribué en partie aux contributeurs les plus importants du site mais pas aux ayants-droit. Megaupload et ses fondateurs sont donc accusés de mener une activité illégale et d’en faire profiter ses membres. Le Grand Jury ajoute que MegaUpload a « reproduit et distribué des millions de copies de contenus culturels (films, programmes télévisés, livres électroniques, images, jeux vidéo ainsi que des logiciels) en violant le droit d’auteur » pendant près de 5 années. Elle note également que le portail ne propose pas de moteur de recherche mais se repose sur « des centaines de sites tiers qui proposent des liens » dirigeant l’utilisateur vers ces contenus. Pour la Cour, il s’agit là d’une méthode de dissimulation.
Pour comprendre comment le FBI a bloqué Megaupload, jetez un œil à cette infographie.
Il se dit aussi que le site n’aurait pas été fermé uniquement pour les raisons citées. Il semblerait que Megaupload s’apprêtait à lancer une plateforme de téléchargement légal et gratuit, capable de concurrencer ainsi iTunes : MegaBox. Le site aurait du voir le jour fin janvier et promettait de reverser 90% des revenus aux artistes, sans intermédiaires tels que les maisons de disques. Le porte-parole de Megaupload déclarait « Notre service MegaBox sera une alternative au modèle des labels, permettant aux artistes de reprendre le contrôle et de récupérer 90% du montant des ventes. C’est une bien meilleure option que le racket perpétuée par ces oligarques qui préfèreraient éteindre l’Internet plutôt que de faire évoluer leur business ».
En ce qui concerne le téléchargement illégal sur le site, le directeur technique de Megaupload se défend ainsi dans une interview donnée au Nouvel Observateur : « Si un utilisateur de YouTube poste une vidéo sans l’accord de l’ayant droit, cela ne fait pas de Google un site pirate, malgré les revenus publicitaires engendrés. Nous sommes de simples intermédiaires techniques, et il ne nous appartient pas d’examiner la légitimité des contenus qui nous sont confiés, ni d’ailleurs de qualifier le contenu de moral ou d’immoral, de légitime ou d’illégitime. […] Comme avec tous les acteurs internet – notamment YouTube – il existe des utilisateurs qui vont abuser de nos services et mettre à disposition des contenus illégaux. Pour lutter contre ce fléau, nous avons un système sophistiqué de “takedown”, qui permet aux labels et autres détenteurs de propriété intellectuelle d’enlever les contenus identifiés comme étant illégaux. Tous les grands noms, comme Disney, Sony et Microsoft, ont un accès direct à ce système où les requêtes sont traitées en moins de 24h, sans exception.»
Vous l’aurez compris, la ligne de défense de Megaupload est que, si on pouvait effectivement télécharger des contenus illégaux sur le site, ce n’était pas non plus son activité première. C’était un site de partage généraliste, utilisé par des entreprises et des particuliers, qui s’en servaient, entre autres, pour partager des dossiers personnels ou professionnels. Rien à voir avec les œuvres copyrightées que SOPA veut protéger. D’ailleurs, toutes les données hébergées sur le site auraient dues être supprimées définitivement le 2 février. Mais ces fichiers constituent des preuves utiles à la défense de Megaupload et l’avocat du service en ligne a réussi à obtenir un sursis de 2 semaines. La défense de Megaupload doit maintenant trouver un accord avec les autorités américaines pour garantir la conservation des données mises en ligne par les utilisateurs du site.
L’arrestation des fondateurs du site a créée un véritable tôlé en ligne. Evidemment il serait bien trop simple de réduire les opposants aux projets de lois à des voleurs d’œuvres culturelles, et ce ne sont pas les « pirates du dimanche » qui ont initié le mouvement de protestation sur la Toile. Ceux qui font tout pour agiter les consciences et pour que l’affaire ne passe pas inaperçue sont des géants du Web, des journalistes, des bloggeurs influents…
Partie 1 : SOPA et PIPA, l’origine des événements
Partie 3 : Le rôle des Anonymous dans les événements récents
Partie 4 : L’ACTA : un mystérieux traité mondial
Sources :
http://sopastrike.com/numbers/
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2011/may/tradoc_147938.pdf
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=MOTION&reference=P7-RC-2010-0154&language=FR
http://fr.wikipedia.org/wiki/Megaupload
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stop_Online_Piracy_Act#Suspension_de_la_proc.C3.A9dure
http://tempsreel.nouvelobs.com/la-fermeture-de-megaupload/20120113.OBS8709/megaupload-nous-ne-sommes-pas-un-site-pirate-seulement-un-prestataire-de-services.html
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0201856203564-le-demantelement-de-megaupload-provoque-une-onde-de-choc-sur-internet-278357.php
http://mashable.com/2012/01/20/sopa-is-dead-smith-pulls-bill/#44253Jan-20-SOPA-Killed