Cela fait quelques temps que j’entends parler de ce parti au nom atypique, qui attise craintes et curiosités. Pensant à l’origine que le mouvement retomberait comme un soufflé, je suis bien obligée d’admettre qu’il trouve écho dans une très grande partie du monde et qu’il pourrait bien faire évoluer les habitudes politiques à long terme. Je me suis donc intéressée au sujet en découvrant que le parti existe aussi en France et j’ai naturellement eu envie de vous en faire un décryptage rapide. Un parti politique avec un nom comme ça et directement lié au monde informatique, impossible de ne pas se pencher sur le sujet !
Quand on s’appelle « Parti Pirate » difficile de gagner la confiance des foules. Drôle d’ovni dans le paysage politique français et même mondial, le Parti Pirate se fait petit à petit une place et espère bien donner un nouveau souffle aux politiques actuelles. Faut-il le prendre au sérieux ? Le craindre ? Un nouveau parti composé de citoyens tel que celui-ci peut-il avoir un poids réel dans le milieu ?
Un parti de pirates ?
Tout commence en 2006, en Suède. Le soir du 31 décembre 2005, Rick Falkvinge, programmeur suédois, lance à ses amis : « Quand je pense que, nous autres citoyens qui ne demandons qu’à partager le savoir et la culture, les puissants et politiciens de tous poils ne cessent de nous traiter de Pirates ! Eh bien soit : créons notre parti, ce sera le Parti Pirate ! ». Le larron crée alors une page Web très parodique, envoie le lien à ses amis pendant la soirée et laisse passer quelques jours. En retournant sur le site un peu plus tard, il constate avec surprise qu’il a reçu des centaines de milliers de visites. A l’origine une blague de potache, une idée lancée en soirée un peu trop arrosée, le Parti Pirate a pourtant perduré pour devenir aujourd’hui un mouvement mondial…
Quelles sont les idées de ce parti hors du commun ? Est-ce, comme on peut l’imaginer, un parti visant uniquement à défendre le droit au téléchargement illégal ?
« Parti Pirate », un nom qui n’inspire ni la confiance ni le sérieux. En réalité, ce nom a été gardé afin de souligner « la terminologie caricaturale et orientée par laquelle certains acteurs politiques ou industriels tentent de criminaliser une partie croissante de la population. » Ce nom affirme leur intention de lutter contre « cette façon de présenter comme acceptable une politique de restriction des libertés civiques. »
En France, c’est le 21 juin 2006 que le Parti Pirate voit le jour.
Un programme construit ou des fantasmes de jeunes idéalistes ?
Le parti déclare souhaiter réaffirmer les valeurs fondamentales citoyennes et démocratiques, favoriser l’accès et la diffusion de la culture et de la connaissance, développer des modèles culturels, sociaux, économiques, et institutionnels modernes, justes et transparents et réorganiser à l’échelle mondiale un développement solidaire, soutenable et équitable.
« Le Parti Pirate réaffirme les Droits de l’Homme et du Citoyen, les libertés démocratiques et les valeurs fondamentales de la République : Liberté, Egalité, Fraternité – des principes qui sont régulièrement mis à mal, à mesure qu’évoluent la société et les technologies, dans un contexte toujours plus complexe et mondialisé. »
Pour cela, il affirme 3 grands objectifs :
- Réformer la loi sur les droits d’auteur
Le Parti Pirate se bat pour la reconnaissance du Droit à la culture et au savoir. Il déclare « Pour la première fois peut-être, la technologie met potentiellement la connaissance à la portée de tous ; c’est là une chance à saisir, que ne doivent pas entraver des intérêts privés ou des visions à court terme. De nouveaux modèles de diffusion, et de rémunération de l’art, des techniques ou de la science sont à développer, pour que ne soient plus criminalisés les citoyens qui copient ou partagent de tels contenus dans une démarche dépourvue de tout but lucratif. Ce patrimoine constitue un bien public, et à ce titre le droit d’auteur doit être redéfini pour mériter pleinement son nom, et ne plus servir avant tout les intérêts d’intermédiaires ou de groupes industriels. »
- Abolir les brevets sur les logiciels et le vivant
Le parti veut aussi restreindre, voire abolir, les brevets logiciels ou les brevets sur le vivant. Il veut repenser les brevets pharmaceutiques et permettre l’accès des populations dans le besoin aux traitements médicamenteux.
- Améliorer la protection de la vie privée
En ce qui concerne la vie privée, le parti considère que la lutte contre le terrorisme et le piratage ne justifient pas de « déposséder les citoyens de leur droit à la vie privée, au secret des communications, ou à l’anonymat, sur Internet comme ailleurs, dans décision de justice ». Une critique ouverte de l’HADOPI, entre autres.
En France, le Parti Pirate a également travaillé sur la première ébauche de la Déclaration des Droits de l’Internaute, un texte qui sera probablement adopté par tous les partis pirates du monde.
Vous l’aurez noté, plusieurs idées concernent le numériques, mais qu’en est-il des sujets fondamentaux comme l’économie, l’emploi, l’éducation… ? Le Parti Pirate aspire à représenter tous les citoyens et veut envisager un nouveau modèle de société, mais a conscience de ne pas être compétent sur tous les sujets de la vie politique et ne se positionne ni à droite, ni à gauche de l’échiquier politique. Le parti entend aborder des problématiques universelles, de manière transversale.
A l’abordage du Parlement ?
Le parti français a la forme juridique d’une association et a présenté son premier candidat lors des élections législatives partielles des Yvelines de 2009, où il a recueilli 2,08% des voix. Avec une campagne menée uniquement sur le Web et un bulletin de vote à télécharger sur le site, le parti a toutefois un peu de mal à s’imposer.
En 2010, lors des élections régionales en Ile-de-France, tout comme en 2011 pour les élections cantonales, le parti renonce finalement à sa candidature, faute de candidats pour mener une liste.
Le 25 mai 2012, le Parti Pirate annonce 101 candidats (dont seulement 13 femmes) pour les législatives et met en avant 5 grands axes : la légalisation du partage, la lutte contre le fichage abusif, l’indépendance de la justice, la transparence de la vie politique, l’ouverture des données publiques et plusieurs propositions pour plus de transparence de la vie publique.
Pour se donner davantage de visibilité à l’occasion des élections législatives françaises, le parti s’est vu valider par le CSA deux spots de campagne, diffusés sur France 2, France 3 et France Inter les 29 mai et 7 juin 2012. Mais il ne parvient pas à imiter le succès de ses homologues suédois et allemands et obtient des scores très modestes. Seul 25% des candidats ont franchi la barre du symbolique 1% des votes. Il ne sera donc pas en mesure d’obtenir un financement public, réservé aux formations politiques qui réalisent au moins 1% dans 50 circonscriptions.
En obtenant 2 sièges au Parlement Européen avec le groupe parlementaire des Verts européens, le parti suédois met un pied dans la porte. Début 2010, une quarantaine de pays a déjà son propre Parti Pirate, tous rassemblés au sein du Parti Pirate International. Le Parti Pirate est officiellement enregistré en Suède, en France, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Autriche, au Canada, aux Pays-Bas, en Bulgarie, en Finlande, en République Tchèque, en Suisse, au Danemark. Il est actif mais pas encore enregistré en Russie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux USA, au Mexique, au Brésil, en Slovaquie, en Estonie, en Ukraine, en Turquie, au Portugal, au Chili, en Argentine, au Pérou, au Maroc, entre autres. Des discussions sur le Parti Pirate sont aussi en cours en Afrique du Sud, au Guatemala, en Colombie, au Venezuela, en Norvège et en Lituanie notamment.
La Suède, l’Allemagne et l’Autriche sont les pays où le Parti Pirate a le plus de poids pour l’instant. Très axé nouvelles technologies et partage des données, le jeune parti, dont l’impact n’est pas encore mesurable et l’influence encore un peu faible malgré l’émergence mondiale du mouvement, souhaite très clairement apporter un souffle nouveau sur le paysage politique. Quoi qu’on pense de ses objectifs et de ses performances, le parti parvient à interpeller et à intriguer : que ce soient des réactions d’espoir, de crainte ou de mépris, il est intéressant d’observer l’émergence de ce mouvement mondial.
Sources :
http://partipirate.org/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_pirate_(France)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_pirate_international http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_pirate_(Su%C3%A8de)