« Harlem Shake » est un titre musical du DJ américain Baauer, sorti en 2012. La chanson remporte un succès fulgurant en février 2013 grâce à une simple vidéo postée par un groupe de 4 copains qui font les andouilles devant leur webcam sur ce fameux morceau. Et là vous vous dites « Tiens, ce blog est en train de changer de ligne éditoriale ». Non, en fait je serais bien incapable de vous parler de musique, en revanche, de buzz Internet, oui !
« Do the Harlem Shake »
La première vidéo intitulée « Do the Harlem Shake » a été postée le 2 février 2013 par le vidéaste burlesque Filthy Frank. On y voit 4 copains déguisés, portant masques et casques de moto, et dansant de façon absurde dans une petite pièce, sur le morceau de Baaeur.
Le même jour, un groupe d’australiens poste sa version du Harlem Shake. C’est cette seconde vidéo qui va déterminer la forme de tous les Harlem Shake qui suivront, soit un premier personnage qui danse seul avec un casque sur la tête, entouré de personnes qui ne le voient pas. Puis lorsque la musique sample « Do the Harlem Shake », toute la pièce entre en transe et tous se mettent à s’agiter frénétiquement. Le but ? Aucun, hormis le fun. Évidemment ensuite une surenchère se met en place, c’est à celui qui fera le plus drôle, le plus osé, le plus gros des Harlem Shake…
Un buzz fulgurant
Si vous regardez la télé ou vous baladez un peu sur le Net, vous n’avez pas pu y échapper. Tout le monde s’y met, les chaînes de TV font leur Harlem Shake, les YouTubeurs s’en donnent à cœur joie, les agences de pub ont sauté sur l’occasion pour se montrer originales (tous les Harlem Shake d’agences sont compilés ici, du coup ça parait beaucoup moins original…). Bref, un phénomène Internet qui prend une telle ampleur, qui fait plus de 11 000 petits en 9 jours et 4 000 variantes par jour, c’est assez rare pour être souligné !
Évidemment sur le Web, ce genre d’action peut se propager à une vitesse fulgurante et retomber comme un soufflet tout aussi vite. Et c’est sans aucun doute ce qu’il se passera pour le Harlem Shake. C’est amusant, pour les entreprises qui s’y risquent c’est une action de communication intéressante, mais dans moins de 3 mois, la folie sera retombée. Malheur à la société qui postera son Harlem Shake 2 jours après que les internautes soient arrivés à saturation !
Selon moi, la mode est déjà passée d’ailleurs. On parle de phénomène de masse lorsque les internautes, de leur propre chef, s’empare d’une « anecdote » pour en faire des parodies, des copies etc. À partir du moment où des marques s’approprient aussi le phénomène, on entre dans la phase descendante et ce qui était un phénomène de mode commence à se faire oublier progressivement.
C’est d’ailleurs une logique récurrente, je pense notamment aux fameux lip dub qui ont fini par nuire aux marques qui s’y sont prêtés un peu trop tard ou maladroitement. Aujourd’hui, pour profiter d’évènements de ce genre, il faut être de plus en plus rapide sous peine de passer pour un retardataire ringard. Même si des lip dub voient encore le jour régulièrement sur Internet, plus personne n’en parle.
Les marques ne peuvent pas détecter LA vidéo qui fera le buzz, pour la parodier avant tout le monde. Elles comptent donc sur les internautes pour faire ce travail à leur place et ensuite surfer sur la vague, mais à ce moment-là, elle est déjà en train de retomber.
Pourquoi autant de succès ?
Beaucoup ont comparé ce succès viral au « Gangnam Style » de Psy. Mais j’ai du mal à croire que seule une chorégraphie amusante suffise à expliquer une telle déferlante. J’ai le sentiment que tous reprennent le Harlem Shake sans bien savoir pourquoi. C’est amusant, certes, mais quel sens peut-on donner à ce phénomène ? Le phénomène initial d’appropriation a été décrit comme « un exutoire collectif qui rompt l’ordre établi pour mieux simuler le chaos » et « un carnaval organisé à l’échelle de la planète ». Mais pourquoi les médias et les marques l’ont accueilli à bras ouvert ? Peut-on parler de « YouTube de groupe » ?
La page Wikipedia du Harlem Shake cite l’article « The Harlem Shake : derrière l’absurde, un appel à la révolution » : « À y regarder de plus près, passée la surprise amusée de la découverte, un sentiment de malaise s’installe. Ces personnes qui dansent vivent-elles toutes isolées dans un monde qui leur est propre ? Est-ce là l’image de la société actuelle et des relations entre ses membres ? Aucune communication apparente, chacun dans son coin, à danser, frétiller, s’ébrouer, sauter sur des canapés… ».
Plusieurs polémiques autour du Harlem Shake
Récemment, des étudiants de facultés américaines ont été exclus pour avoir organisé sans autorisation un Harlem Shake dans les locaux de leurs écoles et facultés.
En Tunisie, le ministre de l’Éducation a ordonné une enquête contre des lycéens suite à la réalisation d’un Harlem Shake. Les étudiants, déguisés en salafistes pour certains et à moitié nus pour d’autres, ont publié leur vidéo sur YouTube et Facebook. Elle se diffuse rapidement mais déplait fortement au ministre de l’Éducation du pays, qui considère que ce dérapage va à l’encontre des missions éducatives et atteint à la pudeur.
Si à l’origine le Harlem Shake est une danse de hip-hop des années 80 dans laquelle il s’agissait de dissocier de façon excentrique les épaules du bassin, le quartier d’origine de la danse, Harlem, n’est pas fan de cette nouvelle mode. Selon les habitants du quartier, personne ne danse le Harlem Shake dans ces vidéos. Harlem y voit une appropriation frauduleuse de la culture noire américaine et une atteinte au mode de vie du quartier.
Avec des intentions purement potaches, peut-on voir autre chose qu’une grosse blague moderne derrière un phénomène comme le Harlem Shake ? Doit-on déduire de cette histoire que la durée de vie des buzz est de plus en plus courte ? Détesterons-nous demain ce que nous adorons aujourd’hui ? Plus globalement j’y vois une nouvelle étape franchie dans le monde magique de l’Internet : les tendances se font et se défont à une vitesse qui commence même à nous dépasser.