Derrière le nom poétique de ce challenge se cache une pratique de manipulation nauséabonde et mortelle.
Si les « ice bucket challenge » et autre « mannequin challenge » sont avant tout bon-enfant et visent même parfois à sensibiliser à des causes médicales ou sociales, il en est tout autre pour le Blue Whale Challenge… On avait déjà eu un bon aperçu de la dangerosité de certains de ces challenges en ligne avec le « salt & ice challenge » (consistant à se brûler au deuxième degré avec du sel et un glaçon), mais celui-ci dépasse l’entendement.
Le Blue Whale Challenge doit son nom à une légende selon laquelle les baleines bleues seraient capables de se suicider en s’échouant volontairement sur une plage.
Ce « jeu » morbide consiste à relever 50 défis, au rythme d’un par jour, pour finir par ordonner au candidat de se scarifier, puis de se suicider. Aussi aberrant que cela puisse paraître, il y a réellement des personnes qui donnent à des inconnus l’ordre de se suicider et des victimes qui leur obéissent.
50 jours pour mourir
Venu de Russie après avoir fait plusieurs victimes aux USA, le Blue Whale Challenge est arrivé en France il y a quelques mois. Trois garçons russes en seraient à l’origine : Philip Fox, de son vrai nom Philippe Boudeïkine, arrêté pour incitation au suicide, Philipp Liss et More Kitov.
On considère que la première victime du challenge serait une jeune russe qui s’est donné la mort en se jetant sous un train fin 2015. C’est un groupe baptisé « f57 » sur le réseau social russe VKontakte qui est derrière l’organisation de ce challenge. C’est là que les candidats trouvent leur « tuteur » (ou plutôt leur bourreau) qui est chargé de leur indiquer les défis quotidiens à relever.
Le “tuteur” va alors réveiller sa victime en pleine nuit en lui envoyant des messages pour lui ordonner de réaliser des défis tels que dessiner une baleine sur une feuille, écouter en boucle de la musique triste, s’assoir au bord d’un toit, escalader une grue, se scarifier… Et d’envoyer systématiquement des preuves du défi relevé. Et si l’enfant montre finalement des signes de réticence, le « tuteur » va jouer avec sa faiblesse psychologique : lui parler d’honneur et de loyauté, le féliciter pour l’inciter à passer à l’étape suivante et le harceler en lui donnant des détails personnels le concernant pour mieux faire pression, alors que la victime, elle, ne sait absolument rien de son « tuteur ».
On estime qu’une centaine de suicides d’adolescents seraient liés au Blue Whale Challenge en Russie depuis fin 2015. S’il est difficile d’établir le bilan avec certitude, en France, une cinquantaine de tentatives de suicides ont été reliées à ce jeu.
Le Parisien a notamment diffusé le témoignage bouleversant d’un adolescent qui a participé au challenge.
La police nationale et la gendarmerie ont alerté sur le phénomène et le ministère de l’éducation nationale a prévenu tous les rectorats de France.
Un phénomène pas si nouveau
Les « jeux » de suicide ou de mutilation ont toujours existé, on se souvient par exemple du jeu du foulard. Que ce soit dans les cours d’école ou sur internet, les enfants les plus fragiles, dépressifs ou grandissants dans un environnement familial difficile peuvent être facilement poussés à l’acte par des « amis » pas si bons que cela. Les sites et forums qui prônent le suicide sont aussi légion sur internet.
La prévention sur ces phénomènes est toujours difficile et c’est souvent le personnel éducatif ou les parents qui alertent, et les associations qui tirent la sonnette d’alarme.
Le problème du Blue Whale Challenge, c’est aussi qu’il donne une image romancée du suicide, le met en scène et en fait un simple jeu. Il pousse les plus fragiles à aller au bout de leurs idées suicidaires sans différencier ce qui relève du jeu ou non, et met les autres au défi, ceux qui ont la curiosité de voir jusqu’où ils peuvent aller sans penser que la mort soit réellement possible.
Au centre de lutte contre les cybercriminalités, l’ampleur de ce challenge reste moins importante que le harcèlement en ligne ou le revenge porn qui font énormément de victimes chaque année.
Comment stopper le Blue Whale Challenge ?
Hormis la vigilance et l’attention portée aux détails de comportement des enfants, les réseaux sociaux ont aussi leur rôle à jouer. VKontakte a banni les communautés concernées et les comptes des « tuteurs » sont maintenant automatiquement bloqués. Instagram a notamment mis en place un filtre bloquant toute recherche liée au terme « f57 », par exemple, et redirige vers une association d’aide aux personnes suicidaires.
Facebook dispose également d’un système de prévention du suicide qui a été amélioré et généralisé récemment : les amis d’un utilisateur peuvent signaler des contenus inquiétants postés sur le réseau social.
Autre initiative : le Pink Whale Challenge, qui propose des défis sains tels que regarder son film préféré, rendre un service, complimenter ou câliner quelqu’un. C’est une façon inoffensive et positive de donner un sentiment d’appartenance à un enfant vulnérable, de faire preuve de bienveillance…
L’association E-Enfance, qui agit pour protéger les enfants des dangers d’internet, a mis en place un numéro spécial gratuit : le 0 800 200 000.
Des internautes ont aussi créés des pages web redirigeant les candidats au Blue Whale Challenge vers des associations d’aide. D’autres, dont des hackers, se seraient attribué la mission de dénoncer les « tuteurs » aux autorités.
Si la communication et la vigilance sont les meilleures armes pour lutter contre ce jeu morbide, il est aussi possible de limiter l’exposition des enfants aux réseaux dangereux. Nos abonnés bénéficient par exemple gratuitement d’un Contrôle Parental inclut dans leur abonnement, nous vous conseillons donc de le paramétrer en fonction des différents profils de vos enfants pour les protéger notamment de ce type de danger. En effet, vous pouvez bloquer les sites faisant la promotion du Blue Whale Challenge et limiter leur utilisation des réseaux sociaux, en bloquant des sites ou en définissant des plages horaires d’utilisation.
Voir aussi : 3 conseils pour protéger vos enfants sur Internet