Qui ne s’est jamais fait avoir par un article provenant d’un site d’informations parodiques, partageant l’article sur les réseaux sociaux, en s’indignant ou se moquant de la nouvelle, pour se rendre compte finalement qu’il s’agissait d’une intox dont le seul but est de divertir les internautes ?
Nombreux sont ceux qui, pressés, se font avoir par les sites d’informations parodiques, ou sites « d’infaux », et prennent pour argent comptant des informations qui semblent crédibles à première vue, pour un œil qui ne serait pas assez averti.
Pourquoi ça marche ?
tout simplement parce que c’est drôle. Et aussi parce que les sites d’infaux imitent les codes traditionnels des médias et maîtrisent l’art de la parodie à la perfection.
D’ailleurs, à tel point que Monsieur-tout-le-monde n’est pas le seul à se faire avoir. Des personnalités et, plus gênant, des médias reprennent parfois ces informations. Mais ça on en parle plus bas!
Derrière les blagues, parfois potaches, ces articles collent bien souvent à l’actualité et incitent à la réflexion en exagérant des faits d’actualité (par exemple : « Massacres de dauphins : le Japon réaffirme qu’il s’agit de recherches scientifiques indispensables », « L’assemblée nationale a voté l’article inscrivant la peur dans la Constitution »…).
D’autant plus que ces articles s’intercalent au milieu de titres très sérieux dans nos timelines sur les réseaux sociaux, entre Le Monde et le Figaro. Un décalage qui vient rajouter du comique aux textes.
Quelques sites d’infos parodiques incontournables
Vous connaissez certainement Le Gorafi (anagramme du Figaro), la référence des sites d’infaux en France. Mais sachez qu’il en existe beaucoup d’autres !
Avant de devenir l’un des sites d’humour les plus influents du monde, The Onion était déjà une institution de la presse papier:
Bilboquet Magazine « perd son temps pour mieux occuper le nôtre », avec des articles clin d’œil à l’actualité mais aussi des articles plus intemporels et purement débiles:
Boulevard69 fait le tour de l’actualité française en reprenant les codes de Rue89:
Le Daily Béret parodie de l’info généraliste sur un ton libéré:
Plus ciblé, Radio Cockpit parodie le monde de l’aéronautique. Nombreux sont ceux qui ont cru à leur article sur un Concorde soi-disant retrouvé dans un jardin en 2014.
Football France pour sa part s’intéresse exclusivement au milieu du foot et tourne en dérision ses professionnels.
La Désencyclopédie : parfait pour rater complètement votre exposé sur le communisme et peut-être faire marrer votre prof. Si le site vous fait penser à Wikipédia, c’est normal.
Plus régional, La Dèche du Midi parodie la Dépêche du Midi mais fait rire dans toute la France.
Un peu geek et high-tech, Branched invente des sujets en lien, ou non, avec l’actualité.
Et pour faire marrer le corps enseignant et les parents d’élèves, il y a Eduk Actus qui épingle le système éducatif de façon amusante. Ou encore Darons.net « Le Magazine qui Parenvrille », pour les parents comme son nom l’indique, mais pas que.
Chez nos voisins belges, Nordpresse est l’équivalent du Gorafi, avec des blagues belges dedans.
Au Canada, on trouve Le Navet, qui se présente de la sorte : « à l’image du monde médiatique qu’il parodie, Le Navet est un légume sans saveur auquel il faut ajouter beaucoup d’épices pour le rendre digeste ». S’il est préférable de connaître un peu les us et coutumes des Canadiens pour comprendre les références des textes, le site « satirique mais poli » est un bon aperçu de leur humour.
Et outre-manche, on trouve NewsBiscuit dont l’humour anglais fait mouche à tous les coups.
Il en existe beaucoup d’autres, que vous pourrez trouver facilement, y compris des comptes Twitter parodiques tels que @SNCFinfo qui répond aux usagers en se moquant ouvertement d’eux, @PDGRozana le faux compte du PDG de la marque Rozana, @Nelson_Monfort ou encore @JM-Aulas le compte parodique de Jean-Michel Aulas (président de l’OL et de la société CEGID).
Les risques des sites d’infos parodiques
Il existe un risque important de propagation de fausses informations. Selon l’actualité et les sujets traités, les internautes peuvent être plus prompts à réagir sous l’émotion et à partager des fausses informations en y croyant dur comme fer.
Les médias étrangers se font piéger encore plus facilement. Ne maîtrisant pas nécessairement tous les codes du pays d’origine du site parodique, le contexte et l’actualité du pays, il arrive régulièrement que des infos parodiques soient relayées par les médias étrangers. En 2013 par exemple, un site d’informations tunisien a pris au mot un article du Gorafi, relayé ensuite par d’autres sites et blogs du pays. L’article en question relatait l’incroyable histoire d’un candidat à l’émission Fort Boyard, oublié dans la cellule d’une épreuve et retrouvé 7 ans plus tard.
Ce symptôme est révélateur de la situation des médias dans le monde aujourd’hui : la priorité est donnée à l’urgence au détriment de la vérification de l’information. En effet, les médias se font la course à l’information choc : il faut être le premier à publier l’article qui fera le plus de clics. Cette course de vitesse ne peut se faire qu’au détriment de la qualité. Les sources ne sont plus vérifiées, et parfois les journalistes sont si pressés qu’ils n’analysent plus ce qu’ils lisent et ne se rendent pas compte de l’absurdité de l’information qu’ils relaient.
Au Gorafi, on explique ne pas se sentir responsable de la crédulité des gens : « Ce n’est pas de notre faute, nous, on écrit, on se met dans la peau de journalistes. Mais en même temps, quand on écrit, on essaie de ne pas tomber dans la facilité, la méchanceté, par exemple, parce que ce n’est pas le but du site. On n’est pas là pour donner des leçons de journalisme, ni pour dire aux journalistes de vérifier leurs sources. L’article intitulé Toulouse : il se fait abattre de 46 balles dans le corps pour avoir demandé un ‘pain au chocolat’ a été pris au sérieux par plein de gens. Ils se sont juste arrêtés à “abattu pour une chocolatine”, comme si, à Toulouse, c’était quelque chose de commun de se faire abattre de 46 balles ». L’objectif généralement avoué de ces sites n’est pas de piéger les gens mais simplement de les divertir tout en les faisant réagir.
Quelques conseils pour ne pas tomber dans le panneau
Consultez les « à-propos » des sites, vous y trouverez vite un second degré ouvertement affiché. Parfois, c’est directement indiqué dans le slogan du site (par exemple pour Le Gorafi « Toute l’information selon des sources contradictoires »). Et enfin, les commentaires des lecteurs ne laissent plus de place au doute lorsque vous voyez les habitués se moquer gentiment de ceux qui tombent dans le panneau.
Annoncé en 2014, Facebook envisageait de signaler les articles des sites parodiques avec un mot-clé spécifique. Aujourd’hui Facebook est devenu une plateforme de partage de contenus primordiale et c’est l’une des principales sources de trafics des sites. Lorsque les contenus parodiques y sont partagés, on se rend vite compte que de nombreux utilisateurs prennent ces informations au premier degré, qu’ils s’arrêtent à la lecture du titre ou qu’ils lisent l’intégralité des contenus.
Développé à la demande des utilisateurs qui souhaitaient distinguer de façon claire les contenus satiriques des autres articles, un nouveau tag « satire » devrait leur être associé.
En France par exemple, on se souvient de Chrisitne Boutin qui avait cru à un article du Gorafi titré « Loi sur la famille : le gouvernement refuse de parler de « recul » mais de « stratégie provisoire d’avancement à potentialité différée » et l’avait cité avec assurance dans les médias…