Dans un précédent article, Elodie vous expliquait comment la publicité sur Internet s’y prend pour capter votre attention et parfois même, vous faire participer. Aujourd’hui, une nouvelle méthode encore plus ludique et interactive entre dans la danse et va révolutionner vos habitudes de consommation publicitaire : le transmedia storytelling interactif. Peut-être avez-vous déjà été confronté à ce phénomène sans en connaître ni le nom, ni le fonctionnement. Cet ovni publicitaire – car il a bien une visée marketing – a débarqué dans l’Hexagone il y a peu et vous met à contribution d’une manière originale… Pour une fois que la pub vous fait vraiment jouer, have fun !
Qu’est-ce que c’est ?
Derrière ce gros mot aux allures de djeune branché promis à une carrière à Wall Sreet, se cache en réalité un concept presque préhistorique. D’une façon générale, le transmedia storytelling est le fait de raconter une histoire sur différents médias. Par exemple, Frankenstein a été écrit par Mary Shelley en 1817, l’histoire a ensuite été reprise au cinéma, en BD, en dessins animés, en téléfilms…
Les marques ont flairé le filon. Depuis que les consommateurs sont sans arrêt connectés entre eux et en contact direct avec elles (grâce entre autre aux réseaux sociaux, blogs, forums…), elles ont désormais la possibilité de les solliciter et de les faire interagir (merci le web 2.0 !). C’est là que le transmedia storytelling interactif entre en jeu, sous le couvert d’un jeu en réalité alternée. Un Alternate Reality Game (ARG) est une fiction qui se joue dans la vie réelle et dont les éléments narratifs nous parviennent par différents canaux. Chaque partie de l’histoire s’appuie sur les forces de chaque média et les participants peuvent avoir le pouvoir d’influencer le cours de cette histoire, comme lors d’un jeu de piste. Ce procédé implique donc le déroulement interactif de l’histoire, les nouvelles technologies et les joueurs en ligne.
Quelques exemples concrets
Batman, The Dark Knight :
L’énorme stratégie transmedia storytelling mise en place lors de la sortie du dernier Batman, The Dark Knight, témoigne du potentiel de ces méthodes. Presque un an avant la sortie du film en salles, une expérience ludique et interactive a été organisée sur les réseaux sociaux et dans le monde réel. L’opération « Why So Serious » mise en place consiste en une expérience à réalité alternée incitant à la participation ainsi qu’à la propagation virale du message. En voici les principales étapes :
- En avril/mai 2007, 16 cartes à jouer à l’effigie du Joker sont distribuées dans les magasins de Comics, avec l’inscription « I believe in Harvey Dent too».
- Le 19 mai, le site Ibelieveinharveydenttoo.com est ouvert, la première utilisation de l’ARG peut commencer. Une fois que le site a comptabilisé un assez grand nombre d’enregistrements, la première image d’Heath Ledger en Joker apparait.
- A l’ouverture du Comic Con 2007 de San Diego (un salon dédié aux bandes dessinées), des billets de 1$ « Jokerisés » sont trouvés et annoncent le nouveau site WhySoSerious.com, sur lequel les internautes trouveront une position GPS et une heure de rendez-vous.
- A 10h le 27 juillet, le numéro du Joker s’inscrit dans le ciel au dessus du point de rendez-vous. La première mission des joueurs est alors de se peindre le visage aux couleurs du Joker pour Halloween et d’envoyer leurs photos sur www.rorysdeathkiss.com. Le buzz prend écho dans la presse et sur les réseaux sociaux, diffusant les photos et vidéos de tous ces Jokers.
- Le personnage de Harvey Dent entre en jeu, présentant sa candidature à la mairie de Gotham City et demandant le soutien du public. Des groupes de fans manifestent alors leur soutien au candidat avec des pancartes « I believe in Harvey Dent » dans plusieurs villes américaines et sont filmés, photographiés et diffusés sur Internet. La campagne Why So Serious gagne en visibilité.
- Il ne reste plus qu’à diffuser la première bande-annonce du film. Les premières images présentent cette bande-annonce avec tous les visages grimés de rouge à lèvres et mascara récupérés par le Joker. Une mise en scène originale qui crée le buzz.
- L’apothéose de cette opération est organisée au cœur de New York avec une Flashmob (rassemblement de personnes dans un lieu public, pour y réaliser une action préparée à l’avance sur Internet, avant de se disperser rapidement) pendant laquelle le Bat signal est affiché sur un immeuble puis détourné par des graffitis du Joker.
Les retombées de cette campagne sont extraordinaires. Environ dix millions d’internautes ont été impliqués en ligne, dans 75 pays.
Amateurs de chasses au trésor, réjouissez-vous ! Le marketing devient enfin ludique et intriguant pour votre plus grand bonheur et la France n’est pas en reste !
Orange :
Cet été, la chaîne Orange Cinéma Séries diffusait Faits Divers Paranormaux, une série de 5 minutes destinée à lancer un ARG relayé sur le blog fdp-tv.com, où les internautes sont invités à partager leurs expériences paranormales. Tout débute par une vidéo de JC, en compagnie de sa belle-mère Simone, expliquant la disparition de son frère Fred, dans des conditions paranormales. Jusqu’à ce que le 14 avril JC reçoive une vidéo dans laquelle il croit voir son frère. L’objectif du jeu est dévoilé : retrouver Fred ! À vous d’imaginer des pistes pour le retrouver, avec chaque jour, une nouvelle question qui vous est adressée par Simone. Il vous faut alors utiliser téléphone, messagerie instantanée, email, réseaux sociaux, pour résoudre l’enquête. Ici, Orange offre une vraie individualisation du jeu et vous fait comprendre par la même occasion l’intérêt d’utiliser la totalité de ses services.
Quel intérêt et quel avenir pour le transmedia interactif ?
Pour la marque, il s’agit de se rapprocher du parcours médias quotidien d’un public dont les usages ont changé et faire circuler son contenu au maximum sur une multitude de supports. Vous regardez la télévision puis vous surfez sur facebook ? Alors les marques débuteront leur histoire à la télévision et la poursuivront sur facebook.
Mais pour le moment, les audiences des ARG sont confidentielles. Ce modèle narratif éclaté reste difficile d’accès pour les non-initiés et leur déroulement en temps réel demande un investissement de temps non négligeable de la part du public. Ils sont également complexes à mettre en œuvre et difficiles à rentabiliser. Entre série TV, jeux vidéo, web série, ils ont du mal à trouver leur place. Pour l’instant ils sont relégués la plupart du temps à une fonction promotionnelle, dont la seule ambition est de générer du buzz à l’occasion de la sortie d’un film, d’un livre, ou du lancement d’une nouvelle marque.
Ils répondent aux nouveaux comportements de plus en plus fragmentés du public, induits par les nouvelles technologies et tendent donc à se développer dans les mois et les années à venir. Mais il existe des interrogations, comme pour toutes les nouvelles méthodes de communication ultra modernes et révolutionnaires. Le public aura-t-il envie très longtemps de jouer avec les marques ? Ne se sentira-t-il pas trop manipulé et tolèrera-t-il cette nouvelle intrusion massive dans son quotidien ?