Le blurring, de l’anglais to blur (brouiller), est le nom donné à l’effacement progressif de la frontière entre la vie privée, la vie professionnelle et la vie publique.
Le phénomène touche de nombreux actifs, souvent salariés et cadres, qui travaillent dans des PME ou en horaires décalés, dans le monde entier. Constamment connectés, la frontière entre vie personnelle, vie professionnelle et vie publique à tendance à disparaître et ce n’est pas sans risque.
Maladie des temps modernes
Désormais, avec la révolution numérique, on travaille à la maison, dans les transports, en vacances, en terrasse… On associe bien sûr le blurring à l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication, mais il est aussi très lié aux personnalités individuelles. Les individus qui ont du mal à poser des limites, les perfectionnistes, ceux qui manquent de confiance en eux ou ont peur d’être pris en défaut auront davantage tendance à se rendre disponibles en permanence pour se montrer performant.
Etre interrompu pendant ses soirées, ses vacances ou ses week-ends, ne pas pouvoir couper avec le travail… voilà le quotidien d’une personne victime de blurring, qui s’impose un tel niveau d’exigence, de réactivité et de disponibilité que ses supérieurs s’y habituent et entretiennent le phénomène.
L’illusion de contrôle que cela procure est en fait néfaste pour la qualité du travail : en étant dans l’immédiateté, on répond sans véritable réflexion. Mais on s’expose aussi et surtout à une surcharge d’informations, une fatigue psychique et un stress énorme, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la santé et la vie privée.
Cette pathologie liée à l’hyper-connexion a de réels effets sur la santé : stress, charge mentale, pression psychologique, fatigue, anxiété, jusqu’au burn out.
Le blurring et le Code du Travail
Le droit à la déconnexion a été intégré au Code du Travail en 2017 et pour la première fois en France. Il vise à permettre aux salariés de concilier vie privée et vie professionnelle, en luttant contre les risques psychosociaux. Le salarié a ainsi la possibilité de ne pas se connecter aux outils numériques et de ne pas être contacté par son employeur en dehors de son temps de travail. Mais la mesure semble inefficace dans les faits si on en croit le sondage Ifop de juillet 2017 indiquant que 78% des cadres consultent leurs emails et SMS professionnels pendant leur temps libre.
Comment résister ?
Yoga, médiation, retour aux valeurs essentielles et à plus de simplicité… ce n’est pas par hasard que ces sujets intéressent de plus en plus d’actifs.
Faites votre auto-analyse : notez toutes vos activités de la journée sur un carnet pendant quelques jours pour prendre conscience de ce que vous réalisez. Du coup de fil reçu à la réponse de mail, avec l’heure et le temps consacré à chaque tâche. Puis analysez : pourquoi avoir répondu à ce moment-là ? Était-ce urgent ? Est-ce que cela vous a apporté quelque chose ?
Apprenez à dédramatiser sans culpabiliser. Fixez des limites : supprimez les alertes emails de votre téléphone pour stopper la dépendance, éteignez le téléphone dans les moments personnels (entre amis…) et n’envoyez pas vous-même de mails aux collègues en dehors des heures de travail pour éviter de les placer en situation de blurring.
L’opportunité d’une meilleure flexibilité et d’une plus grande liberté ?
D’autres y voient au contraire des avantages : pouvoir travailler où on veut, fin du présentéisme et approche différente de la gestion du temps, témoignage d’ouverture d’esprit de la part de l’employeur…
Nombreux sont ceux qui apprécient leurs équipements mobiles professionnels pour travailler plus librement, avec leur propre organisation. La majorité des managers est sollicitée par leur travail en dehors de leurs horaires de bureau et, à l’inverse, règle des sujets personnels au bureau.
Ainsi, l’employeur tolère que la sphère privée s’immisce dans la sphère professionnelle, et l’employé accepte de travailler dans des moments de vie privée.
La vie publique aussi
On parle généralement de blurring entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Mais le phénomène déborde aussi sur la vie publique : lorsque vos collègues ou supérieurs ont accès à vos photos de soirées, lorsque vous mettez en scène votre vie professionnelle sur Linkedin, ou votre vie privée sur les réseaux sociaux en partageant tous vos moments intimes en famille ou entre amis à vos communautés…
On ne compte plus les parents qui font poser leurs enfants tels des Instagrameurs précoces, les photos de vacances reproduites à l’identique par les voyageurs du monde entier, les photos et analyses de nos plats au restaurant… A force de vouloir contrôler notre image sociale et mettre en scène notre vie privée de façon publique, la frontière disparaît et on oublie l’essence même de ces moments : passer du bon temps avec nos proches, profiter de l’endroit, s’ouvrir, apprendre… Bref développer notre personne et non notre image.