Si les réseaux sociaux existaient déjà en 2007, il est évident qu’ils n’avaient pas le poids qu’ils ont aujourd’hui. A l’époque, les candidats à la présidentielle les utilisaient peu, voire pas du tout, et nous-même n’étions pas aussi « connectés ». Il s’en est passé des choses en cinq ans ! Facebook et Twitter sont devenus incontournables, modifiant totalement le visage des campagnes électorales.
Le rôle grandissant des réseaux sociaux dans les campagnes
On a tous vécu, et on vit tous encore (surtout en ce moment), des débats politiques passionnés et enflammés autour de la table, en famille ou entre amis. Petit à petit, les débats politiques ont aussi trouvé leur place sur les réseaux sociaux. Qui ne voit pas au moins une fois par jour, en cette période de campagne, des statuts Facebook ou des « trending topic » sur Twitter à propos d’un candidat ?
Si du côté du quidam, ils nous permettent de voir circuler les informations en tous genres et d’être au courant de choses dont les médias traditionnels ne parlent pas forcément, ou bien avant qu’ils ne le fassent, du côté des candidats, ce sont aussi des outils incontournables pour de nombreuses raisons. Etre sur les réseaux sociaux renvoie un message de modernité, d’adéquation avec son époque.
Impossible cette fois pour les candidats d’échapper au phénomène. Celui qui n’a pas sa page Facebook ou son compte Twitter ne met pas toutes les chances de son côté. Difficile de faire de la langue de bois en 140 caractères. Aller droit au but, s’engager, dialoguer et prendre la température de ce qu’il se dit sont autant de manœuvres permises par les réseaux sociaux. Ce sont bels et bien de formidables outils d’image qu’ils ont tout intérêt à utiliser !
Cadre légal et réseaux sociaux : une certaine incompatibilité ?
Le code électoral stipule qu’« en cas d’élections générales, aucun résultat d’élection, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public par la voie de la presse ou par tout moyen de communication au public par voie électronique, en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. Il en est de même dans les départements d’outre-mer avant la fermeture du dernier bureau de vote dans chacun des départements concernés. »
Il est donc clairement interdit de diffuser les estimations des résultats avant la fermeture de tous les bureaux de vote, c’est-à-dire 20h. Passer outre cette loi condamne les répondants à 75 000 € d’amende par infraction constatée.
Il faut noter que les organes de presse ne sont pas les seuls concernés par cette loi. Les blogs et les réseaux sociaux, qui permettent à chacun de devenir un relais d’information influent, sont aussi visés.
Pourquoi une telle mesure qui semble pour certains obsolète à l’heure où la France est devenue un village, grâce au Web ?
Le législateur estime que la diffusion d’une tendance aux sorties des urnes peut avoir une incidence sur le choix des derniers votant. De même, la diffusion de faux résultats est dangereuse. Le risque de désinformation est plus grand avec Facebook et Twitter dans la course. C’est pourquoi, cette année, la commission des sondages et la Commission nationale de contrôle de la campagne ont prévu de surveiller de près tout ce qui se dit sur les réseaux. Pour éviter cette éventualité et réduire à néant toute tentative de désinformation, des points presse peuvent être réalisés.
Peut-on faire respecter la loi à l’heure où l’information circule en temps réel ?
Visiblement, ce n’est pas évident. Plusieurs médias, comme Libération, ont clairement affiché leurs intentions de violer l’embargo, pour ne pas être trop « en retard » par rapport aux annonces des résultats qui risquaient d’être faites avant l’heure sur les réseaux sociaux. Pour les chaînes de télévision par exemple, l’enjeu est de taille : perdre des millions de spectateurs parce qu’ils auront déjà les résultats depuis deux heures, ou récolter une amende ?
Comme prévu, la loi interdisant la diffusion de résultats électoraux avant la fermeture de tous les bureaux de vote a été bravée sur les réseaux sociaux : dès 16h, les premières estimations des résultats sont apparues sur Twitter, une entrave à la diffusion de l’information que beaucoup de titres de presse dénoncent.
Voyant cela, l’AFP n’a pas résisté et a envoyé aux rédactions une dépêche donnant Nicolas Sarkozy et François Hollande qualifiés pour le second tour à 18h52. Dans un message écrit quelques minutes auparavant, l’AFP expliquait « Plusieurs médias étrangers ayant diffusé des estimations basées sur les premiers dépouillements des bureaux de vote qui ont fermés à 18h00, l’AFP met à la disposition de ses clients les informations sur les estimations qui sont en sa possession. La diffusion de ces informations auprès du grand public est de la seule responsabilité des clients. »
Le Parquet de Paris a ouvert une enquête, notamment à l’encontre de l’AFP, de deux médias belges, d’un média suisse, du blog Résultat2012 et d’un journaliste belge qui aurait donné les résultats sur Twitter avant l’heure légale.
#RadioLondres met Twitter en émoi
La majorité des organes de presse a respecté l’embargo, mais les internautes sont rusés et le bouche-à-oreille atteint vite tout le pays ! Il suffit d’une personne pour que les noms des deux candidats finalistes et même les scores de tous les autres soient communiqués aux Français, bien avant 20h.
C’est une méthode enfantine qui a permis à tous de connaître les résultats avant l’heure. Afin de contourner l’interdiction de diffuser les résultats partiels du 1er tour, tout Twitter s’est branché sur Radio Londres. Si cette fois les messages ne provenaient pas de la Résistance britannique, la méthode date bien de l’occupation. C’est ainsi que le « hashtag » (mot-clé sur Twitter) #RadioLondres est devenu le plus utilisé dimanche.
Les messages codés ont amusés tous les « twittos » et renseigné la twitosphère des tendances dans les urnes. Ainsi, le message de @Rosselin, patron de la rédaction La Tribune de Genève « Le prix du flan a drôlement augmenté en Guadeloupe mais les Rolex sont en solde. Je répète… » informait tout le monde que François Hollande devançait Nicolas Sarkozy.
« Au Canada, le sirop d’érable hollandais est à 33$, bien plus cher que le hongrois qui ne vaut que 26$ », ou encore « le kilo de gouda coûte 28€ » donnaient les tendances des résultats.
Si la Commission des sondages a bel et bien déféré au parquet des captures d’écran de « twittos » révélant clairement les estimations avant 20h, les tweets détournés sous la forme de Radio Londres échappent aux poursuites. Les enquêteurs devront donc se débrouiller pour retrouver la véritable identité des personnes qui ont violé l’embargo sur les résultats et les sondages.
Vous l’aurez compris, il est difficile dans une campagne électorale de se passer des réseaux sociaux. Jusqu’à un certain point… Les utiliser pour le meilleur ne va pas sans le pire, comment les faire parler pendant la campagne et les faire taire les dernières heures cruciales ? Si l’ambiguïté de leur rôle est incontestable, certains diront qu’une actualisation de la législation résoudrait bien des choses.
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