En s’inspirant d’une loi approuvée début septembre en Allemagne, les éditeurs de presse français ont adressé au gouvernement un projet de loi visant à créer un « droit voisin » qui soutiendrait la presse à l’heure où Internet remet en question tout son business model.En contrepartie de l’indexation de leurs articles, les journaux en ligne veulent recevoir une rémunération. Plusieurs dirigeants de titres de presse, comme les Echos, le Figaro ou le Nouvel Observateur, se sont annoncés en faveur de ce projet.
Nathalie Collin, coprésidente du groupe Nouvel Observateur et présidente de l’Association de la presse d’information politique et générale, déclare dans une interview donnée au Figaro :
« Nous travaillons sur ce projet depuis le printemps, après avoir constaté l’échec des discussions entamées depuis trois ans avec Google. Aujourd’hui, tous les éditeurs de presse quotidienne, magazine ou purement Internet sont rassemblés derrière ce projet qui a été soumis à la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, la ministre déléguée au Numérique, Fleur Pellerin, et au premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Ce projet de loi est simple à mettre en œuvre et il est équilibré. D’un côté, les éditeurs s’engagent à renoncer à leur droit d’interdire l’indexation de leurs contenus par les moteurs de recherche. La presse ne veut pas entraver l’accès des internautes à l’information. Au contraire, elle a besoin de promouvoir ses contenus. En contrepartie, nous demandons la création d’un droit voisin qui permettrait de faire payer par les moteurs de recherche une juste rémunération, chaque fois qu’un de nos contenus est indexé. Pour fixer le niveau de cette rémunération équitable, il suffit de créer, comme cela existe déjà pour la musique et les paris sportifs, une commission paritaire réunissant la presse et les moteurs de recherche et qui sera dirigée par un président nommé par le gouvernement. Une société de gestion collective répartira les sommes perçues entre les journaux. »
Contrairement au projet de loi allemand visant essentiellement le métier d’agrégateur de contenus de Google Actualités, celui-ci porte davantage sur le marché du « search », qui génère l’essentiel des revenus de Google.
Né de la volonté d’un rééquilibrage des relations entre la presse et la technologie, ce projet de loi vise clairement Google, avec ses 93,5% de part de marché en France et son quasi-monopole de la recherche sur Internet. Francis Morel, PDG du groupe Les Echos et vice-président de l’Association de la presse d’information politique et générale, déclare à ce propos :
« Google est aujourd’hui l’une de premières régies publicitaires en France, avec plus d’un milliard d’euros de recettes. Mais il ne déclare que 41 millions d’euros de chiffre d’affaires en France ! Il est inadmissible que Google utilise nos articles gratuitement pour ponctionner le marché publicitaire français sans rémunérer les créateurs de contenus ! ».
Autre point important : les recettes tirées du partage des revenus avec Google seraient réinvesties dans l’économie numérique.
Le projet de loi pourrait être soumis au Parlement d’ici la fin de l’année 2012 et mis en œuvre début 2013.
Interrogé par l’AFP, Google a déclaré que ce n’est pas la bonne démarche et que ce projet « serait néfaste à la fois pour Internet, pour les internautes, et pour les éditeurs qui bénéficient d’un trafic substantiel envoyé par le site Google Actualités ainsi que par le moteur de recherche ».